samedi 12 janvier 2008

Prophête en action, une vocation?



Comment découvrir sa vocation lorsque l'on est homo ? Au-delà des portes qui, selon les églises et les religions, sont ouvertes ou fermées, comment découvrir devant Dieu sa vocation ? Repris en ce moment dans un tel questionnement, je lis avec bonheur le livre du cardinal Carlo Maria Martini, Découvrir sa vocation, publié en français en 2005.




Sur cet auteur, un entretien qui est passé sur Antenne 2 est disponible en ligne ici.



Ce livre est un peu particulier en ce sens qu'il relate l'expérience en sept étapes vécue par l'ancien archevêque de Milan avec un groupe de jeunes au début des années 1990. Mais il l'est aussi en ce sens qu'il entend "vocation" comme quelque chose d'ouvert à "360 degrés", comme il le dit lui-même, c'est à dire non limitée à une vocation sacerdotale, religieuse ou missionnaire. Alors un homo peut-il suivant un tel parcours trouvé lui-aussi sa vocation, serait elle de vivre en couple ou d'exercer la paternité? Bien évidement, le livre ne répond pas à la question, et ce que je voudrais risquer ici est de mon cru. En fait, je voudrais tracer quelques conditions de possibilités d'une telle chose, c'est à dire essayer de dessiner dans quelle perspective, basée elle sur le livre de Martini, un homo pourrait penser sa vie en tant que vocation - réponse à un appel de Dieu.

C'est un essai et j'avancerais en évoquant simplement ce qui me frappe à la lecture du livre.

Première étape donc. Lors de l'évocation du but de l'expérience, Martini écrit: "Nous attendons ... que la grâce, le don de Dieu ..., nous enseigne une méthode qui orientera notre liberté, notre créativité, notre choix moins vers un projet personnel ... que vers l'accomplissement du dessein de Dieu sur le monde ... en ce qui me concerne, c'est-à-dire dans la mesure où j'entre, avec mon projet personnel, dans celui du Christ - Roi et Seigneur - sur l'humanité." (18)

Voilà ce qui me frappe tout d'abord: la perspective proposée par le Cardinal est d'emblée celui du dessein de Dieu sur le monde. Comment moi homo puis-je entrer par mon projet personnel dans un tel dessein, y contribuer à ma mesure? Telle est me semble-t-il la première question. Alors il m'est revenu en mémoire cet ordre de Dieu donné au prophète Osée : "Va, prend pour toi une femme de prostitution et des enfants de prostitution, ..." (Osée 1, 2). Une personne de ma famille, lorsque j'ai rencontré Vincent, m'a un jour dit que ce texte lui était venu dans la prière par rapport à moi. C'était sa manière de me dire qu'aussi inimaginable que cela puisse lui paraître, elle me faisait confiance et que ce que je vivais pouvait venir de Dieu. Cette personne parlait d'être "prophète en action". Quelle type de prophétie sommes-nous entrain d'écrire par nos vies ? Rappelez-vous ! Osée eu trois enfants de cette femme: Jizréel, Sans-pitié, et Pas-mon-peuple. Et un jour la prophétie se retourne: "Grand sera le jour de Jizréel. Dites à vos frères : Mon peuple ! et à vos soeurs : Celle dont on a pitié !" (Osée 2, 2-3)

Le deuxième point qui m'a frappé dans cette première étape, c'est que le discernement spirituel qu'il s'agit d'exercer "est l'écoute de la parole non écrite de Dieu." (19) Et l'auteur de préciser à la page suivante : "C'est l'écoute d'une parole de Dieu, non écrite, qui retentit aujourd'hui encore dans l'Eglise, et qui ne se trouve en personne, si ce n'est en moi. La parole qui s'adresse concrètement à moi ne se trouve pas dans les Ecritures. Certes, elle pourra être une parole biblique, mais le fait que je la choisisse parmi beaucoup d'autres, ne regarde que moi. Elle n'est connue ni de l'autorité ecclésiastique, ni même du guide spirituel." (20) C'est fort, non ? Avez-vous expérimentez ce genre de parole qui se dépose en vous au plus profond et que rien ne peut vous faire renier ? Même si dans l'immédiat elles peuvent apparaître comme contraire à la bonne doctrine ? Je pense à ce que, sur d'autres sujets - qui ne les concernaient pas personnellement et c'est bien là qu'est, à mon sens, la difficulté pour nous - d'aucuns ont enduré dans les années préconciliaires jusqu'à se retrouver assignés à résidence et privé d'enseignement, comme Henri de Lubac, puis, le temps venu, furent élevés au rang de cardinal. Qu'ont vécu ces hommes ? Ne peuvent-ils nous servir de modèle et de réconfort s'il advient que de telles paroles se déposent en nous ?

Ce discernement spirituel, pour Martini, se décline en trois moments essentiels : purification, lectio et méditation/examen. L'auteur les reprends ensuite cherchant à voir quelle aide nous pouvons attendre du groupe pour vivre ce temps de discernement. Le troisième moment de l'examen se fait bien sûr avec l'aide d'un guide spirituel. "Grâce à l'examen de notre histoire concrète, nous pouvons saisir certaines coordonnées constitutives de notre être et dépendant de la pensée de Dieu sur nous-mêmes et sur notre communauté humaine. Les coordonnées signifient que notre vécu s'organise selon les lignes d'interprétation qui permettent de dire : Je vis en vérité cela ; et cela est ce à quoi je tiens le plus, ce qui se présente à moi pour l'avenir, c'est ce que je demande, ce que je veux, de que je désire, ce que j'offre à Dieu." (24-25, c'est moi qui souligne)

Je vis en vérité cela, et cela est constitutif de mon être et j'ose croire que cela dépend de la pensée de Dieu sur nous-même et sur notre communauté humaine. Voilà le chemin qui se trace, me semble-t-il.

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