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vendredi 20 décembre 2013

Le livre des questions d'Augustin d'Hippone

En lisant les Saintes Ecritures qui portent le titre de canoniques, et en collationnant avec les autres la version des Septante, il nous a paru bon, de peur d'en perdre la mémoire, de fixer par écrit les questions qui se présentaient à notre esprit. Tantôt nous les rappellerons en peu de mots ; tantôt nous nous contenterons de les examiner ; d'autres fois encore, nous en donnerons comme à la hâte une solution quelconque. 

Notre dessein n'est pas de les développer autant qu'il serait nécessaire, mais de pouvoir y jeter les yeux, quand besoin sera, soit pour y retrouver l'indication des recherches qu'il reste à faire, soit pour être à même d'approfondir le sujet, à l'aide de ce que nous croyons avoir déjà pu découvrir, et de répondre aux difficultés. 

Si donc il est des lecteurs que ne rebutent point les négligences de ce travail précipité, et s'ils remarquent des questions proposées et non résolues, ils ne doivent pas eu conclure qu'ils ont perdu leur peine: c'est déjà avoir trouvé quelque chose, que de savoir ce que l'on cherche. Quand nos solutions sembleront raisonnables, qu'on ne dédaigne pas la simplicité de notre langage, qu'on soit plutôt satisfait d'y découvrir quelque portion de la vérité : car on ne cherche pas la vérité pour discuter, mais on discute pour la chercher. (Augustin, Questions sur l'heptateuque, livre premier)

mercredi 18 juin 2008

Homme et femme il les créa (III) Droit de réponse

Il y a quelques temps, je réagissais ici-même au livre Hommes et femmes il les créa, publié par la peu connue Académie d'Education et d'Etudes Sociales fondée dans les années 1920 et dont le premier président semble avoir été Mgr Baudrillard. Ce livre a été diffusé d'une manière quelque peu cavalière et choquante auprès de proviseurs de lycées. Je m'étonnais de retrouver des noms de gens que j'estime auprès d'autres que je trouve beaucoup moins respectables. Puis quelques temps plus tard, je revenais dans un autre post sur les textes que j'avais lu.


Et voici les miracles d'Internet, l'un de ces auteurs estimés, Marie Balmary, m'a contacté. Voici donc in extenso, la réponse que cette auteure a envoyé à Golias suite à un article de ce journal en date du 3 avril l'interpellant sur le sujet, mais que ce journal, s'il fut prompt à épingler ne semble pas l'être autant pour publier les droits de réponses. Je suis donc heureux de publier ici cette réponse qui vient éclairer pour le moins mes propres interrogations.


Réponse à Golias de Marie Balmary

Merci de ce droit de réponse. Il s'agit d'abord d'un malentendu dont vous n'êtes pas responsable - sinon peut-être, d'avoir lu un peu vite. Vous me reprochez d'avoir "participé à un colloque" avec "la trinité homophobe". Je vous réponds : il ne s'agissait en aucune façon d'un colloque, mais d'une suite de conférences séparées. Je n'ai jamais été "en compagnie" de la trinité dont vous parlez, qui n'a pas assisté à ma propre conférence comme je n'ai pas assisté aux leurs. Répondant à l'invitation de l'Académie des Sciences Sociales sur le thème "Homme et femme il les créa", je voyais l'occasion de leur dire que cette phrase ne figure pas dans le texte hébreu de la Genèse. J'ajoute que cette académie venait de décerner leur prix annuel à mon dernier livre, Le moine et la psychanalyste. Je pouvais penser que nous n'étions pas trop loin… J'ai donc été moi-même très désagréablement surprise d'apprendre – par des medias - que cette conférence que j'avais faite seule plus d'un an auparavant, venait d'être publiée avec d'autres conférences dont je ne pouvais connaître le contenu lors de la mienne, ayant fait la première. Ces diverses communications avaient été imprimées séparément tout au long de l'année. Dans mon esprit, elles n'étaient nullement destinées à être publiées ensemble. Si j'avais pensé à une "mise en livre", j'aurais refusé d'y figurer : je ne partage ni les idées ni le ton de certains de ceux qui sont intervenus ensuite. Seulement, je n'ai pas été assez attentive : chaque conférence imprimée portait en petits caractères la mention "La présente conférence sera publiée dans le volume des annales de l'A.E.S. …" L'académie est donc dans son droit. Cependant, aucune lettre personnelle, ni téléphone, ne m'a prévenue de la parution de ce volume. Celui qui m'a été adressé semble s'être perdu. Voilà pour les circonstances. Deux reproches de fond dans cette polémique auxquels je veux répondre. Un mot sur le premier reproche (des proviseurs en colère) que vous n'avez pas repris : revenir à la Bible, c'est être créationiste. - Non, pas pour moi, depuis que j'ai vu, avec d'autres chercheurs, que la Bible elle-même, dans son texte original, n'est pas créationiste ("Dieu n'a pas créé l'homme", ai-je mis en sous-titre de La divine origine.) En ce qui concerne l'homophobie, l'auteur de l'article paru dans Golias m'a peut-être lue un peu vite. Je ne crois avoir nulle part "condamné" l'homoparentalité. Cherchant à comprendre les enjeux de la différence des sexes, je dis qu'à mon sens, c'est une bonne affaire pour les enfants, que "cette irréductible différence empêche chaque parent de devenir pour l'enfant un parent qui sait tout". Vous approuvez ce propos, mais ensuite vous y voyez une condamnation de l'homoparentalité. Vous trouvez mon "argumentation déficiente". Vous avez raison, car ce n'est pas une argumentation. Je ne milite pas, je cherche. Si ma réflexion ne va pas dans le sens de l'homoparentalité parce que je vois des avantages importants à la différence des parents, c'est une réflexion - utile, j'espère, à porter au dossier. Et, j'espère aussi, pas une condamnation qui blesse et ne fait pas avancer l'intelligence de notre difficile condition humaine.Nous n'avons pas à utiliser la psychanalyse pour redonner force aux emprises moralisantes, j'en suis bien d'accord avec vous. Mais la peur de moraliser ne doit pas non plus nous empêcher de chercher, de penser et de parler. Nous sommes devant les bonheurs et les malheurs, en tout cas devant les mystères de la différence des sexes. Que comprenons-nous à tout cela ? Orientations sexuelles - et aussi désorientations, le mot n'est pas à la mode, n'est-ce pas ? Il rend pourtant compte de souffrances. La peur de moraliser doit-elle nous empêcher de constater, dans notre pratique clinique, que certains interdits sexuels, l'inceste par exemple, sont indispensables à l'éveil de la conscience – tandis que d'autres interdits sont destructeurs - et de chercher à distinguer les uns des autres ?Condamnez-nous si nous condamnons, mais aidez-nous à demeurer des chercheurs, des gens qui osent, sans jugement, mettre à l'épreuve de la pensée, toute pensée, même si elle n'est pas à la mode du temps. Marie Balmary

Pour rappel, la conférence de Marie Balmary est disponible sur le site de la fameuse Académie. Seul le début de l'article de Golias du 3 avril est, hélas, accessible gratuitement en ligne.

dimanche 20 avril 2008

Mâle et femelle il les créa (II) Mon p'tit mec et moi (II)

Lorsque j'écoute la chanson du post précédent, je ne peux m'empêcher de penser à ce que me disait un jour Marie Balmary - là, où il y a de l'inter-dit, la construction est possible. Autrement dit: la parole qui s'interpose permet au sujet d'advenir. Lorsque j'écoute cette chanson, j'entends la différence: Mon p'tit mec et moi ... on s'embrasse sur la bouche, ... ton p'tit mec et moi, on s'embrasse pas sur la bouche lorsque je lui change sa couche... Ce sont à mon avis ces petits riens qui permettent à l'être humain de grandir. En tant que chercheur qui traite des questions d'éthique, je suis de plus en plus sensible au récit. Je veux dire que j'ai de plus en plus de mal à juger abstraitement des choses, selon des principes intangibles, mais j'ai acquis, je crois, une sensibilité, une oreille, qui me permet de dire si cela sonne juste ou non. Les mots de cette chanson sonnent justes, voilà!
Mais, voilà, dans une série de conférences comme ce livret de l'Académie en renferme, il ne s'agit pas de juger de tel ou tel expérience personnel mais de donner un avis d'expert sur un sujet de société...

Revenons donc sur cet ouvrage diffusé dans les lycées. J'ai lu attentivement les interventions de Marie Balmary, de Rémy Brague, j'ai lu en diagonale les autres, un peu moins, celles de Vaneste ou Anatrella, bien plus celle sur la pensée de Jean Paul II et le féminisme ou celle d'Anna-Marie Liebert, et puis surtout les interventions conclusives. On y apprend que l'intervention de Mgr Brincard était une intervention rapportée, par exemple.

J'ai noté les noms des gens discutant les différentes interventions... où l'on retrouve des noms connus et des noms moins connus, ce qui donne une idée de qui sont ces 40 académiciens. En vrac : Le président, Jean-Didier Lecaillon, Geneviève et Pierre Boisard, Janine Chanteur, Nicolas Aumonier, Marie-Joëlle Guillaume, Pierre Boisard, Mgr Philippe Brizard, le Pasteur Michel Leplay, le Sénateur Maurice Blin, Catherine Rouvier, Jacques Arsac, le Père Gérard Guitton , Édouard Secretan, Jean-Paul Guitton, Philippe Laburthe-Tolra, Bernard Lacan, Nicolas Aumonier , Jean-Luc Granier, Michel Berger, Henri Lafont, Françoise Seillier, Jacques Hindermeyer, Annick Doulcet, Hervé L’Huillier, Michel de Poncins. On voit aussi, comme le confirme l'intervention conclusive, que tous ne sont pas toujours présent, on peut donc peut être en conclure que chacun allait où son coeur le mène en priorité... et ce ne sont pas les mêmes qui réagissaient à Brague ou à Vaneste...


Ceci dit, de toutes, celle de Balmary reste toujours celle qui m'intéresse le plus. Au grés d'une discussion sur le forum de DUEC, d'ailleurs, elle m'a permis de comprendre quelque chose que je n'avais jamais vu: Lévitique 18 ou 20 ne doit pas s'entendre comme un interdit pour deux hommes de coucher ensemble, ce n'est pas ce qui est écrit! Un homme ne couchera pas avec un mâle, à couches de femme. J'ai médité longuement sur ce "à couches de femme", y voyant tour à tour un interdit de la pénétration anale, ou la pose de la différence sexuelle, ce qui restait très biologique ou très banal. Balmary à son insu nous indique autre chose, elle nous montre comment lire ces versets. En effet dans son intervention elle montre l'importance de ce changement qui intervient d'un récit de la création (Gn 1) à l'autre (Gn 2). Le premier parlant de mâle et femelle, le second parlant d'homme et femme. Balmary montre qu'entre les deux l'inter-dit est posé et la parole surgit, c'est à dire que les deux se reconnaissent l'un l'autre comme sujet. Et si, l'interdit du Lévitique était simplement ceci, tu ne coucheras pas avec un homme sans le reconnaître comme sujet, à l'égal de toi ?

vendredi 4 avril 2008

Oser la parole ...

Ce n'est pas toujours facile d'oser la parole dans une relation intime, nous avons souvent si peur de tuer la relation en faisant des reproches et pourtant... parfois nous observons aussi l'inverse. C'est à dire qu'après un premier temps effectivement difficile, la relation sort grandit, comme si reprocher à bon escient était une manière d'aimer en vérité.


Dans l'un des livres les plus rébarbatifs de la Bible, le Lévitique, deux versets sont lumineux à cet égard, plantés au coeur de ce que l'on appelle le Code de Sainteté : Lévitique 19, 17-18.

19, 17 : Tu ne haïras pas ton frère en ton coeur,

admoneste tu admonesteras ton collègue,

et tu ne porteras pas sur lui un péché. [j'interprète : sur lui, par sur ton coeur]

18 : Tu ne te vangeras pas ni ne rancuneras les fils de ton peuple,

et tu aimeras ton compagnon comme toi-[même],

[c'est] moi [le] Seigneur.

Il ne nous faut ni haïr le prochain, ni nous vanger, ni tenir rancune mais admonester et aimer, oui! J'aime cette équivalence de position du admonester et aimer: reprocher pour aimer, sinon le coeur se recroqueville, il porte la faute, il porte le faux-pas.


Marie Balmary a quelques pages que je trouve lumineuse à ce sujet dans Le sacrifice interdit, son deuxième livre (Grasset, 1986: pp. 46-61). Elle raconte notamment comment lui est venu ce lien entre aimer et reprocher lorsque jeune psychothérapeute, une jeune femme d'une autre culture vint la trouver, à la fois épuisée et pleine de méfiance à son égard, hésitant à se confier jusqu'à ce qu'elle invoque ce commandement "tu aimeras ton prochain comme toi-même" comme base commune de dialogue et pu alors laisser libre cours à tous les reproches qu'elle avait sur le coeur vis-à-vis de ses proches. Ce bouleversement des conventions sociales jetta la psychothérapeute sur la piste, contre Freud, du Lévitique... et de la première partie du verset. Ou comme le traduit la TOB: tu ne haïras pas, tu admonesteras, tu ne te vangeras pas, "c'est ainsi que tu aimeras ton prochain comme toi-même"!

lundi 1 octobre 2007

La femme adultère, comme un résumé de tout l'Evangile


L'Evangile dit de "la femme adultère". Parfois des échanges sur d'autres forums me provoquent à méditer et à écrire. Ainsi sur cet évangile que j'ai toujours beaucoup aimé.

Disons le d'emblée, ce texte est à part dans les évangiles. En effet, cette dizaine de verset (Jn. 7, 53 - 8, 11) n'apparait pas, loin de là, dans tous les manuscrits. Sa canonicité n'est pas en doute, cependant, et, au contraire, certains ont même été jusqu'à dire qu'à lui tout seul il constituait un cinquième évangile, comme un résumé de tout l'évangile.
D'ou Jésus parle-t-il ? Ils [on ne sait pas exactement qui] s'en allèrent chacun chez soi et Jésus regagna le Mont des Oliviers. Voici le Mont des Oliviers désigné comme le "chez soi" de Jésus. Mais qu'est donc le Mont des Oliviers? Un simple quartier de Jérusalem comme un autre? Mais non, bien sûr.

Deux traditions se rapportent au Mont des Oliviers. Pour l'une c'est le lieu de la défaite, de l'exil, pour l'autre c'est le lieu des débauches (et des adultères?) de Salomon. Le lieu de la défaite ou David rencontre Akhitofel lorsqu'il quitte Jérusalem en pleurant défait par son fils Absalom, le "père de la paix" qui s'est retourné contre son père, le roi.... (2 Samuel 15 et 16); de même Dieu y combat les nations lorsque celles-ci s'emparent de Jérusalem, les pieds de Dieu y reposent et la montagne se fend (Zacharie 14). La montagne à l'Orient de Jérusalem, c'est là aussi que s'arrête la Gloire de Dieu lorsque celle-ci suit le peuple en exil à Babylone (Ezékiel, 11, 22-23). Le peuple est exilé en raison de ses péchés et la Shekhina, la présence divine accompagne son peuple en exil... Tel est le lieu d'ou Jésus parle dans cette péricope sur le pardon...

Par ailleurs, il s'agit d'une femme adultère et cela nous intéresse pour deux raisons: l'une liée au statut de Jésus lui-même, l'autre, qui nous concerne au premier chef puisque cela renvoie à Levitique 20, 10 et suivants, ou il est (aussi) question du sort réservé à "un homme qui couche avec un homme à coucheries de femme."

Le statut de Jésus. J'ai beaucoup médité sur la violence qui grandit autour de Jésus dans les récits des Evangiles et qui finit par l'emporter. Peu satisfait par les explications habituellement données, j'ai cherché plus loin, ou plus profond. On parle généralement des positions de Jésus sur le Shabbat, ou qu'il s'octroyait le statut de fils de Dieu, choses qui auraient été intolérable pour la société juive de l'époque. De ce que je connais de la société juive, et des sociétés en général, j'ai du mal à croire que cela ait pu déclencher une telle violence. Il me semble que quelque chose de plus "ontologique" gènait les chefs du peuple chez Jésus. Quelque chose de scandaleux vraiment. Je crois l'avoir trouvé dans le statut de Jésus selon la loi religieuse juive. En effet, selon la halakha, Jésus est de père inconnu, ce qui lui confère un statut plus que problématique dans la société juive de son temps. Que l'on pense au statut des suicidés autrefois chez nous, qui ne pouvaient être enterrés dans le cimetière commun. Je pense qu'il y a quelque chose de cela dans la violence qui se déchaine, Rav en Israël qui plus d'une fois renouvelle l'approche hilkhatique précisément, oubliant d'ou lui-même vient, il y a là à mes yeux quelque chose qui pourrait bien expliquer la montée de violence... et qui a à voir, quelque part avec ce que vit cette femme qu'on lui amène. Certes, Jésus n'est pas un mamzer, un batard mais son statut personnel ne vaut guère mieux.

Le lien avec Levitique 20, 10 et le sort réservé aux adultères. Or, les scribes et les pharisiens interrogent Jésus pour savoir ce qu'il faut faire. Etrange, si c'était si évident pour tout le monde qu'il faille mettre à mort, pourquoi l'interroge-t-il? Pour lui tendre un piège afin de pouvoir l'accuser nous dit le texte, c'est à dire que l'enjeu ne serait pas (pas seulement) la femme mais lui même qui parle de ce lieu d'ou-Dieu-part-en-exil-avec-les-pécheurs, et que c'est cela qui serait en cause.

En fait, il semble bien que ce texte reflète un conflit propre au judaïsme de l'époque ou l'on percevait - déjà! - le fossé entre la loi de Moise telle qu'exprimée en Levitique et la réalité du quotidien. Un ami juif m'a dit "l'interdit est resté, l'exécution fut annulée". Telle fut la solution trouvé par le Judaïsme de l'époque de Jésus face à ses lois impraticables de Levitique ou rappelons-le maudire son père ou sa mère était tout aussi bien passible de mort tout comme aussi manger de la viande non saignée!




Alors voilà mon interprétation de ce texte, je pense que l'attitude de Jésus est magnifique... il se tient en ce lieu d'ou la présence divine accompagne les pécheurs en exil, il vient enseigner dans le Temple cette miséricorde de Dieu et il ouvre l'avenir "va et ne pèche plus". Change-t-on la lettre de la Loi? Non, elle reste là, elle est un repère. Va-t-on pour autant appliquer les lois anciennes rigides qui ne respectaient pas l'humain? Non plus. Ce ne serait pas digne de de Dieu dont il nous est dit que sa Gloire a suivit les exilés sur leur route et dont il nous est dit aussi qu'Il reviendra avec eux.

"Va et ne pèche plus", qu'est-ce à dire? L'interprétation est ouverte ... la femme se retrouve seule et renvoyée à elle-même, le sanhédrin qui l'accusait s'est dispersé...

Bonne route à vous!

mercredi 25 avril 2007

De la peur et du pardon...


L'autre Dimanche, lors de la liturgie de la Parole dans mon village, j'ai été frappé par la proclamation de l'Evangile - Jn 20, 19-29.

Poussé par l'habitude, la coutûme est de nommer cet évangile, l'évangile de Thomas, et généralement c'est le verset "heureux celui qui croira sans avoir vu" qui retient l'attention. Ce qui m'apparut, cette fois, ce sont les 5 premiers versets: les disciples sont enfermés par "peur des Juifs"... Bien sûr, moi qui en ce moment, d'un point de vue spirituel, descends dans mes peurs... du style Le courage d'avoir peur de MD Molinié pour ceux qui connaissent ... ces disciples appeurés, cela me touchent. Ceci dit, des Juifs qui ont peur d'autres Juifs, c'est bizarre, vous ne trouvez pas? A moins que la traduction nous joue des tours et qu'il s'agissent de Galiléens qui auraient peur des Judéens...


La deuxième chose qui m'est apparue, ce sont les deuxièmes paroles de l'envoi prononcées par Jésus: Recevez l'Esprit de sainteté... jusque là pas de problèmes, et puis: Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis, ceux à qui vous les retiendrez, ils leurs seront retenus! ... Là, c'est plus étonnant. D'abord, j'ai eu l'impression qu'à distance de l'interprétation habituelle, cela s'adressait à tout baptisé alors que l'on a l'habitude d'y voir l'un des éléments de l'instauration du sacrement réservé aux prêtres... et je me suis souvenu de ce que les orthodoxes appellent le sacrement du frère. Près de chez moi, il y a un monastère de moniales russes et on les voit souvent s'entretenir dans l'église les unes avec les autres... sont-elles entrain de se confesser?
Et puis, j'y vois une mesure constitutive de la communauté. Dans l'envoi, on s'attendrait à Baptisez-les... et voici que c'est une constatation: Ceux à qui vous remettrez les péchés.... Etonnant! La rémission des péchés aurait-elle le même statut que le baptème?
Enfin, il faut noter que ce n'est pas très hébraïque tout cela. Dans la Bible hébraïque, c'est Dieu qui remet les péchés... et comme me le disait un ami, lorsque dans le Judaïsme a été institué le fait que pour Yom Kippour la rémission des fautes envers le prochain devaient passer par une démarche de demande de pardon concrête à ce prochain, ce fut de l'ordre de la nouveauté. Le principe traditionel, c'est que l'on doit implorer le pardon, mais que seul Dieu peut nous pardonner, peut, cela veut dire que l'incertitude plâne et que c'est ce qui fait la dynamique de cette vue du pardon, l'absence de certitude...

samedi 18 novembre 2006

Audacieux essai d'exégèse classique



C'est le genre de livre que je ne laisse pas passer. Un exégète de renom, Thomas Römer, qui publie un essai sur le sujet, il faut lire!

L'approche est classique, de type historico-critique, avec de plus un souci de contextualisation par rapport aux récits du Proche-Orient ancien, c'est à dire essentiellement de la Mésopotamie. Vous savez la fameuse épopée de Gilgamesh et quelques autres qui ont permis de dire que L'histoire commence à Sumer... J'aime beaucoup, surtout Jean Bottéro. Je donne toujours quelques textes de cette époque à mes étudiants. Bien plus que les textes grecs ou égyptiens, donnez de ces textes aux étudiants israéliens et ils trouveront tout de suite des liens avec le Midrash. On est bien dans le même univers de pensée.

Quatre chapitres: La sexualité en Mésopotamie et Egypte ancienne; L'interdiction de Lévitique (18 et 20) et l'histoire de Sodome et Gomorrhe en Genèse 19 (notez l'ordre de présentation typique du mode d'exégèse choisie); David et Jonathan avec Enkidu de l'Épopée de Gilgamesh; le Nouveau Testament entre silence - évangélique - et tradition paulinienne. Comme en avertissent les deux auteurs - l'un, Römer, prof d'Ancien Testament, l'autre, théologienne travaillant sur les sciences humaines, tous deux de Lausanne - il s'agit pour eux de lire les textes dans le contexte socio-historique de leur époque et par là de couper l'herbe sous les pieds de tous ceux qui, trop nombreux, se servent de la Bible comme argumentaire sans se soucier des contextes.

Juste une perle qui m'a provoqué à aller (re)lire l'histoire de David et Jonathan dans la Bible hébraïque, parce que cela ne m'avait jamais frappé comme cela:

"Imaginons," propose nos auteurs, "un prince héritier qui spontanément se dépouille des attributs de son rang, puis de tous ses habits, pour les offrir à un jeune et bel inconnu." Et les auteurs de s'interroger: "quelle force peut pousser un homme, quel sentiment peut-il ressentir pour qu'il se déshabille complètement devant un inconnu?" Et un peu plus loin: "a-t-on jamais vu un prince qui sur-le-champ offre à un adolescent inconnu ses vêtements et ses armes?" Alors Jonathan se serait retrouvé en caleçon et invité au palais dès le premier soir, pas possible me suis-je dit, je n'ai jamais lu cela! Eh bien allez voir, et puis lisez la démonstration patiente des deux auteurs, c'est quand même étonnant.

Mais il y en a un qui ne s'y trompe pas c'est Saül, le père de Jonathan qui pique une colère et dont l'emportement est plein d'enseignement : "Je sais bien que tu prends parti pour le fils de Jessé, à ta honte et à la honte du sexe de ta mère!" Etonnant cette grossièreté qui déborde, insulte unique en son genre dans toute la Bible. "Saül," nous explique Römer et Bonjour, "semble traiter son fils d'effeminé, ..., déshonorant par la même sa propre mère. L'insulte est donc grave et Jonathan quitte la table royale, profondément blessé."

Sur David et Jonathan, j'attendais l'élégie commentée ("ton amour était pour moi plus merveilleux que l'amour des femmes"), elle y est bien sûr, mais il y a plus. Comme quoi on lit toujours trop vite.

Bref, un livre sérieux, patient, qui prend le temps de lire les textes et qui m'a surpris.