lundi 1 octobre 2007

La femme adultère, comme un résumé de tout l'Evangile


L'Evangile dit de "la femme adultère". Parfois des échanges sur d'autres forums me provoquent à méditer et à écrire. Ainsi sur cet évangile que j'ai toujours beaucoup aimé.

Disons le d'emblée, ce texte est à part dans les évangiles. En effet, cette dizaine de verset (Jn. 7, 53 - 8, 11) n'apparait pas, loin de là, dans tous les manuscrits. Sa canonicité n'est pas en doute, cependant, et, au contraire, certains ont même été jusqu'à dire qu'à lui tout seul il constituait un cinquième évangile, comme un résumé de tout l'évangile.
D'ou Jésus parle-t-il ? Ils [on ne sait pas exactement qui] s'en allèrent chacun chez soi et Jésus regagna le Mont des Oliviers. Voici le Mont des Oliviers désigné comme le "chez soi" de Jésus. Mais qu'est donc le Mont des Oliviers? Un simple quartier de Jérusalem comme un autre? Mais non, bien sûr.

Deux traditions se rapportent au Mont des Oliviers. Pour l'une c'est le lieu de la défaite, de l'exil, pour l'autre c'est le lieu des débauches (et des adultères?) de Salomon. Le lieu de la défaite ou David rencontre Akhitofel lorsqu'il quitte Jérusalem en pleurant défait par son fils Absalom, le "père de la paix" qui s'est retourné contre son père, le roi.... (2 Samuel 15 et 16); de même Dieu y combat les nations lorsque celles-ci s'emparent de Jérusalem, les pieds de Dieu y reposent et la montagne se fend (Zacharie 14). La montagne à l'Orient de Jérusalem, c'est là aussi que s'arrête la Gloire de Dieu lorsque celle-ci suit le peuple en exil à Babylone (Ezékiel, 11, 22-23). Le peuple est exilé en raison de ses péchés et la Shekhina, la présence divine accompagne son peuple en exil... Tel est le lieu d'ou Jésus parle dans cette péricope sur le pardon...

Par ailleurs, il s'agit d'une femme adultère et cela nous intéresse pour deux raisons: l'une liée au statut de Jésus lui-même, l'autre, qui nous concerne au premier chef puisque cela renvoie à Levitique 20, 10 et suivants, ou il est (aussi) question du sort réservé à "un homme qui couche avec un homme à coucheries de femme."

Le statut de Jésus. J'ai beaucoup médité sur la violence qui grandit autour de Jésus dans les récits des Evangiles et qui finit par l'emporter. Peu satisfait par les explications habituellement données, j'ai cherché plus loin, ou plus profond. On parle généralement des positions de Jésus sur le Shabbat, ou qu'il s'octroyait le statut de fils de Dieu, choses qui auraient été intolérable pour la société juive de l'époque. De ce que je connais de la société juive, et des sociétés en général, j'ai du mal à croire que cela ait pu déclencher une telle violence. Il me semble que quelque chose de plus "ontologique" gènait les chefs du peuple chez Jésus. Quelque chose de scandaleux vraiment. Je crois l'avoir trouvé dans le statut de Jésus selon la loi religieuse juive. En effet, selon la halakha, Jésus est de père inconnu, ce qui lui confère un statut plus que problématique dans la société juive de son temps. Que l'on pense au statut des suicidés autrefois chez nous, qui ne pouvaient être enterrés dans le cimetière commun. Je pense qu'il y a quelque chose de cela dans la violence qui se déchaine, Rav en Israël qui plus d'une fois renouvelle l'approche hilkhatique précisément, oubliant d'ou lui-même vient, il y a là à mes yeux quelque chose qui pourrait bien expliquer la montée de violence... et qui a à voir, quelque part avec ce que vit cette femme qu'on lui amène. Certes, Jésus n'est pas un mamzer, un batard mais son statut personnel ne vaut guère mieux.

Le lien avec Levitique 20, 10 et le sort réservé aux adultères. Or, les scribes et les pharisiens interrogent Jésus pour savoir ce qu'il faut faire. Etrange, si c'était si évident pour tout le monde qu'il faille mettre à mort, pourquoi l'interroge-t-il? Pour lui tendre un piège afin de pouvoir l'accuser nous dit le texte, c'est à dire que l'enjeu ne serait pas (pas seulement) la femme mais lui même qui parle de ce lieu d'ou-Dieu-part-en-exil-avec-les-pécheurs, et que c'est cela qui serait en cause.

En fait, il semble bien que ce texte reflète un conflit propre au judaïsme de l'époque ou l'on percevait - déjà! - le fossé entre la loi de Moise telle qu'exprimée en Levitique et la réalité du quotidien. Un ami juif m'a dit "l'interdit est resté, l'exécution fut annulée". Telle fut la solution trouvé par le Judaïsme de l'époque de Jésus face à ses lois impraticables de Levitique ou rappelons-le maudire son père ou sa mère était tout aussi bien passible de mort tout comme aussi manger de la viande non saignée!




Alors voilà mon interprétation de ce texte, je pense que l'attitude de Jésus est magnifique... il se tient en ce lieu d'ou la présence divine accompagne les pécheurs en exil, il vient enseigner dans le Temple cette miséricorde de Dieu et il ouvre l'avenir "va et ne pèche plus". Change-t-on la lettre de la Loi? Non, elle reste là, elle est un repère. Va-t-on pour autant appliquer les lois anciennes rigides qui ne respectaient pas l'humain? Non plus. Ce ne serait pas digne de de Dieu dont il nous est dit que sa Gloire a suivit les exilés sur leur route et dont il nous est dit aussi qu'Il reviendra avec eux.

"Va et ne pèche plus", qu'est-ce à dire? L'interprétation est ouverte ... la femme se retrouve seule et renvoyée à elle-même, le sanhédrin qui l'accusait s'est dispersé...

Bonne route à vous!

Aucun commentaire: