C'est le genre de livre que je ne laisse pas passer. Un exégète de renom, Thomas Römer, qui publie un essai sur le sujet, il faut lire!
L'approche est classique, de type historico-critique, avec de plus un souci de contextualisation par rapport aux récits du Proche-Orient ancien, c'est à dire essentiellement de la Mésopotamie. Vous savez la fameuse épopée de Gilgamesh et quelques autres qui ont permis de dire que L'histoire commence à Sumer... J'aime beaucoup, surtout Jean Bottéro. Je donne toujours quelques textes de cette époque à mes étudiants. Bien plus que les textes grecs ou égyptiens, donnez de ces textes aux étudiants israéliens et ils trouveront tout de suite des liens avec le Midrash. On est bien dans le même univers de pensée.
Quatre chapitres: La sexualité en Mésopotamie et Egypte ancienne; L'interdiction de Lévitique (18 et 20) et l'histoire de Sodome et Gomorrhe en Genèse 19 (notez l'ordre de présentation typique du mode d'exégèse choisie); David et Jonathan avec Enkidu de l'Épopée de Gilgamesh; le Nouveau Testament entre silence - évangélique - et tradition paulinienne. Comme en avertissent les deux auteurs - l'un, Römer, prof d'Ancien Testament, l'autre, théologienne travaillant sur les sciences humaines, tous deux de Lausanne - il s'agit pour eux de lire les textes dans le contexte socio-historique de leur époque et par là de couper l'herbe sous les pieds de tous ceux qui, trop nombreux, se servent de la Bible comme argumentaire sans se soucier des contextes.
Juste une perle qui m'a provoqué à aller (re)lire l'histoire de David et Jonathan dans la Bible hébraïque, parce que cela ne m'avait jamais frappé comme cela:
"Imaginons," propose nos auteurs, "un prince héritier qui spontanément se dépouille des attributs de son rang, puis de tous ses habits, pour les offrir à un jeune et bel inconnu." Et les auteurs de s'interroger: "quelle force peut pousser un homme, quel sentiment peut-il ressentir pour qu'il se déshabille complètement devant un inconnu?" Et un peu plus loin: "a-t-on jamais vu un prince qui sur-le-champ offre à un adolescent inconnu ses vêtements et ses armes?" Alors Jonathan se serait retrouvé en caleçon et invité au palais dès le premier soir, pas possible me suis-je dit, je n'ai jamais lu cela! Eh bien allez voir, et puis lisez la démonstration patiente des deux auteurs, c'est quand même étonnant.
Mais il y en a un qui ne s'y trompe pas c'est Saül, le père de Jonathan qui pique une colère et dont l'emportement est plein d'enseignement : "Je sais bien que tu prends parti pour le fils de Jessé, à ta honte et à la honte du sexe de ta mère!" Etonnant cette grossièreté qui déborde, insulte unique en son genre dans toute la Bible. "Saül," nous explique Römer et Bonjour, "semble traiter son fils d'effeminé, ..., déshonorant par la même sa propre mère. L'insulte est donc grave et Jonathan quitte la table royale, profondément blessé."
Sur David et Jonathan, j'attendais l'élégie commentée ("ton amour était pour moi plus merveilleux que l'amour des femmes"), elle y est bien sûr, mais il y a plus. Comme quoi on lit toujours trop vite.
Bref, un livre sérieux, patient, qui prend le temps de lire les textes et qui m'a surpris.
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