samedi 11 janvier 2014

Fontaine, je ne boirai pas de ton eau



Il y a quelques années à peine, l'un ou l'autre des intervenants cités ci-dessous n'écartait-il pas la possibilité même de considérer comme centrale la question homosexuelle du point de vue du christianisme ? De sorte que lire aujourd'hui qu'existent un séminaire de réflexion et des interventions publiques répétées, on croit rêver ! L'auteure de l'article conclut pourtant en affirmant "L'Église n'acceptera jamais de bénir ces couples". On a envie d'ajouter : Sauf si elle l'a déjà fait... Que fait-on des travaux de l'historien John Boswell, qui exhuma des formulaires liturgiques anciens - orientaux, il est vrai -, dans son livre sur les Unions du même sexe ? Le dicton pourrait bien s'avérer juste et ceux qui affirment "Fontaine je ne boirai pas de ton eau", contredits. Voici l'article in extenso, signe en tout cas du chemin parcouru :


"Il n’est plus guère de moralistes catholiques qui s’appuient sur une seule anthropologie biblique pour traiter des relations homosexuelles. Le monde sémitique ne faisait pas de distinction entre l’acte et la personne, ni entre l’acte et l’intention, ni non plus entre l’acte subi et l’acte consenti – tandis qu’en théologie morale contemporaine, ces distinctions sont premières. Certains souhaiteraient donc que l’Église affirme plus clairement que l’on ne peut condamner l’homosexualité comme telle, au nom de quelques versets bibliques.


Une telle formulation pourrait éviter aux chrétiens, jeunes ou moins jeunes, qui se découvrent des attirances homosexuelles de ressentir honte et culpabilité. Cela aiderait, dans la société et dans l’Église, à « passer d’un enseignement du mépris à une théologie de l’estime des personnes homosexuelles », selon le P. Antoine Guggenheim, directeur du pôle de recherche du Collège des Bernardins à Paris qui a initié, depuis deux ans, un séminaire de réflexion sur « Foi chrétienne et homosexualités ». Et ce, en vue d’ouvrir des pistes pour un accompagnement pastoral et spirituel des personnes homosexuelles catholiques dont la situation les expose à une « double peine : homos, ils sont jugés dans leurs paroisses comme s’il s’agissait d’un choix de vie ; cathos, ils sont moqués dans les milieux gays », résume le P. Guggenheim.
C’EST DANS L’ACCOMPAGNEMENT INDIVIDUEL QUE LE CATHOLIQUE D’ORIENTATION HOMOSEXUELLE EST INVITÉ À ÉCLAIRER SA CONSCIENCE


Car c’est bien l’accueil des personnes homosexuelles dans les paroisses que l’Église peut mettre en avant. En commençant par rappeler que tout baptisé, quels que soient son état de vie et son orientation sexuelle, est pleinement aimé de Dieu. En rappelant aussi, comme la théologienne Véronique Margron, enseignante à la « Catho » d’Angers, le répète dans ses interventions publiques, que tout catholique ayant une orientation homosexuelle ne parvient pas, y compris s’il le désire, à vivre dans l’obéissance à la doctrine de l’Église. « Pour certains, c’est possible : ils sont heureux dans la continence parce qu’ils la vivent comme un lieu d’estime et de victoire sur eux-mêmes et qu’ils peuvent s’assurer une dimension affective dans des relations d’amitié chastes. »


Pour d’autres, le célibat peut être difficile à vivre, d’autant qu’« une continence vécue dans le refoulement aboutit parfois à des conduites compulsives qui réduisent davantage le sentiment de dignité et la liberté des personnes, ou à des dépressions graves qui mettent en cause le sens de l’existence », poursuit Véronique Margron. Il sera préférable alors de construire une relation stable et durable avec un compagnon, « dans une réciprocité d’estime, à la bonne distance, sans emprise de l’un sur l’autre ». Il est des « vies conjugales » de chrétiens homosexuels qui sont marquées de respect, de pudeur, d’attention, de fidélité… C’est donc dans l’accompagnement individuel que le catholique d’orientation homosexuelle est invité à éclairer sa conscience pour ne plus penser par opposition – obéissance à l’Église ou vie homosexuelle – et discerner librement ce qui, pour lui, est « le plus humanisant », selon l’expression de Véronique Margron.


L’Église n’acceptera jamais de bénir ces couples – certains prêtres toutefois, de manière privée, acceptent de prononcer une bénédiction sur les personnes. Elle pourrait néanmoins reconnaître la valeur éthique de ce qui est vécu. Surtout quand ces personnes, engagées dans l’Église, savent être discrètes dans leur vie privée mais sans cacher leur situation aux prêtres et responsables. Quant à l’accès à l’Eucharistie, certains prêtres, comme pour les divorcés remariés, acceptent de donner lacommunion à des personnes vivant en couple homosexuel. Mais cela reste géré au cas par cas.

CLAIRE LESEGRETAIN" (La Croix, 13 décembre 2013)

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