Et si tout était une question de regard...
Je crois qu'il ne m'était pas arrivé depuis Shoah de Lanzman, de voir un film aussi long. La longueur même du film fait partie de l'expérience que nous en faisons. Pour Shoah, je m'étais dit que le sujet vallait la peine que j'y consacre une journée de ma vie. Là, il n'y avait rien de tel puis qu'avec La Meglio Gioventu, il s'agit d'une saga familiale dans l'Italie de ces quarantes dernières années. Alors qu'est-ce qui m'a captivé dans ce téléfilm devenu un succès du grand écran jusqu'à obtenir le prix Un certain regard, au festival de Cannes 2003 ? Est-ce le fait que, tout en se déroulant dans un pays différent, la période traitée recouvre à peu près celle de ma propre expérience ?
Les repères historiques se suivent sans difficultés, au contraire ils permettent de comprendre de l'intérieur des phénomènes comme celui des Brigades Rouges auxquels je n'avais eu accès que par les médias. Et pourtant il ne semble pas que là se situe mon expérience essentielle de ce film... qui n'est pas gay.
"L'orsqu'un amour à traversé ma vie..." l'une des choses qui me sont devenues limpides, c'est précisément l'origine de ma difficulté à lire des sagas familiales. Ainsi, je me souviens de la tristesse éprouvée à lire L'appel des engoulevents, de Claude Michelet. D'un côté, les lieux, les personnages, tout cela me parlait et me rappellait m'a propre famille et d'un autre côté, c'est comme si l'impossibilité de me situer dans la suite des générations me "barrait" l'identification possible et donc l'imaginaire. C'est ainsi que j'ai pris conscience de l'importance de la littérature ou du cinéma "gay", comme me permettant enfin de mettre des mots sur des sentiments, des émotions, des rêves...
Lorsque je me suis séparé de mon ami, un jour, je suis tombé sur un livre d'un psy américain qui traitait nomément de la séparation chez les gays. Une amie m'a fait remaquer qu'elle ne voyait pas en quoi cela pouvait différer d'une séparation d'un couple hétéro, ma psy s'est presqu'énervée parce que ... enfin, on en avait parlé longuement ... que pouvais-je bien trouver de nouveau là dedans dont nous n'avions déjà débattu? Eh bien - rien, justement, si ce n'est que cela me faisait du bien de lire quelque chose avec lequel je pouvais m'identifier, simplement, sans gymnastique.
Alors comment ce fait-il que La meglio gioventu m'est à ce point touché? Eh bien je crois que précisément la rencontre de mon ami, ma décision d'aller vers l'adoption, tout cela m'a comme réinscrit dans la suite des générations, dans l'histoire d'une famille avec toutes ses nuances... dans ma propre histoire...
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