mardi 2 août 2005

Julien Green, martyr ou reflet de la perversion d'un système ?

Entre les vacances, les interventions à préparer pour des colloques, j'ai négligé trop longtemps ce blog. Dernièrement sur un forum catho, un intervenant donnait Julien Green, tel qu'il se laisse voir dans ses livres, en figure admirable, car "véritable martyr" à cause de sa foi. Si pour moi, Julien Green est exemplaire, ce n'est certes pas en tant que martyr qui, mis au pilori par son (homo) sexualité, aurait résisté jusqu'au sang pour rester fidèle à sa foi, mais bien plutôt comme figure exemplaire de la perversité du système de la théologie morale catholique sur cette question, pour peu que l'on ne s'en tienne pas "aux principes" mais que l'on accepte de voir ce que vivent les personnes.

Voici ce que j'écrivais à cet intervenant:

Je suis heureux que vous citiez Julien Green car je crois que c'est un exemple parfait de l'hypocrisie du système. Avez-vous lu la correspondance Green - Maritain? Il y a trois pages extraordinaires où comment parlez de la chose sans en parler tout en en parlant. Par ailleurs si l'on lit en parrallèle les récits autobiographiques de Green, on se rend compte que ce gosse souffre terriblement, se culpabilise terriblement, vit dans une tension insensée son acceptation de la doctrine catholique qui ne l'autorise pas à aimer comme il sent dans ce qu'il est. Résultat à quelques années de distance: il découvre les quais la nuit et la messe réparatrice le matin, avec la bénédiction de Maritain: tant que vous reconnaissez que ces passages à l'acte sont une faiblesse de la chair mais que votre esprit reste ferme! Etes-vous déjà allés sur les quais, dans les parcs la nuit? Savez vous quelle misère se cache là? Lorsque je suis tombé amoureux la première fois et que j'ai pris conscience de ce que je vivais. Une chose était claire pour moi, cette misère là vers laquelle pousse la perfection catholique pronée par un Maritain à son "ami" Green, je n'en voulait pas.

Cocteau (une correspondance Cocteau-Maritain a aussi paru voici quelques années), qui avait au départ le même rapport filial à Maritain, lui, a refusé d'entrer dans ce jeu, que je crois pervers. Ils se sont brouillés mais il était là au chevet de Raissa, quelques années plus tard. Oui, je crois que cette subtile distinction catholique homosexualité-personne homosexuelle est perverse. Je veux dire que si on peut la soutenir intellectuellement, dans le concrêt elle crée des êtres déchirés et au comportement pour le moins schizoïde - c'est pour cela que je dis qu'elle est perverse. Elle ne permet pas à l'homme de grandir et de s'unifier. Elle ne respecte pas l'homme et le mystère de sa personne. Or l'homosexualité est un mystère - personne ne sait ce que c'est et pourquoi finalement tout au long des siècles un certain pourcentage de l'humanité se retrouve structuré ainsi à l'âge adulte. Oui, je crois que mon (homo) sexualité a à être évangélisé comme tous les autres traits de mon caractère mais non je ne peux croire à ces définitions d'actes intrinsèquement pervers, désordonnés, etc. C'est une manière abstraite de faire de la théologie morale qui a des effets destructeurs sur les personnes concernées.

Cordialement,
Lev

3 commentaires:

Anonyme a dit…

oui, évangéliser sa sexualité au lieu de la supprimer. pourquoi n'est-ce pas possible de le comprendre aussi pour les gay? ils sont les seuls pour qui évangéliser ce qu'ils sont, c'est se supprimer eux-mêmes...

Anonyme a dit…

Avant tout, je crois qu'il faut replacer la jeunesse de Julien Green dans son époque qui n'a rien à voir avec la nôtre. Julien Green avait sans doute cette représentation du bon écrivain pur de tout aveu (peut-être faut-il aussi songer à des calculs d'éditeur…).
Il ne faut pourtant pas oublier son art extraordinaire de la métaphore qu'on lui connaît, s'il n'y avait «L'autre Sommeil» et s'il n'y avait sa formidable autobiographie.
Julien Green était conscient, à un point vertigineux, que «Je est un autre» : il sait qu'il ne trouvera son salut, en définitive, que dans la rédaction quasi quotidienne de son Journal : miroir magique et changeant où toutes les facettes de son moi défilent sous les yeux du lecteur et sous les siens. Peut-être dans l'espoir de trouver, à travers ce «semblable, ce frère», cette impossible unité dont le désir le taraude.
Aujourd'hui, il est plus aisé de faire la différence entre ce qu'est une institution humaine, la religion, et ce que la philosophie peut apporter aux problèmes de la vie. Julien Green était croyant, catholique et pratiquant : pas un libre-penseur, mais un penseur libre.
La perfection n'existe pas, Dieu, s'il existe, ne peut l'ignorer. Julien Green pèche le soir et se confesse aussitôt après, le lendemain matin : démarche certes ostentatoire, mais sincère. Julien Green aime Dieu à sa manière. Il trouve dans la confession le seul remède à ce qu'il considère comme une faute épouvantable.
Si le démon l'a touché, il est obstinément resté chrétien au travers de ses péchés… mélange de lucidité et d'humour. Julien Green, comme tout homme tombait aussi dans le fossé…
Pour terminer, quelques questions : Le démon ne sert-il pas à montrer que la perfection est inaccessible ? A quoi bon le confessionnal si Dieu n'admet pas le péché ?

Anonyme a dit…

Avant tout, je crois qu'il faut replacer la jeunesse de Julien Green dans son époque qui n'a rien à voir avec la nôtre. Julien Green avait sans doute cette représentation du bon écrivain pur de tout aveu (peut-être faut-il aussi songer à des calculs d'éditeur…).
Il ne faut pourtant pas oublier son art extraordinaire de la métaphore qu'on lui connaît, s'il n'y avait «L'autre Sommeil» et s'il n'y avait sa formidable autobiographie.
Julien Green était conscient, à un point vertigineux, que «Je est un autre» : il sait qu'il ne trouvera son salut, en définitive, que dans la rédaction quasi quotidienne de son Journal : miroir magique et changeant où toutes les facettes de son moi défilent sous les yeux du lecteur et sous les siens. Peut-être dans l'espoir de trouver, à travers ce «semblable, ce frère», cette impossible unité dont le désir le taraude.
Aujourd'hui, il est plus aisé de faire la différence entre ce qu'est une institution humaine, la religion, et ce que la philosophie peut apporter aux problèmes de la vie. Julien Green était croyant, catholique et pratiquant : pas un libre-penseur, mais un penseur libre.
La perfection n'existe pas, Dieu, s'il existe, ne peut l'ignorer. Julien Green pèche le soir et se confesse aussitôt après, le lendemain matin : démarche certes ostentatoire, mais sincère. Julien Green aime Dieu à sa manière. Il trouve dans la confession le seul remède à ce qu'il considère comme une faute épouvantable.
Si le démon l'a touché, il est obstinément resté chrétien au travers de ses péchés… mélange de lucidité et d'humour. Julien Green, comme tout homme tombait aussi dans le fossé…
Pour terminer, quelques questions : Le démon ne sert-il pas à montrer que la perfection est inaccessible ? A quoi bon le confessionnal si Dieu n'admet pas le péché ?