Ce qui m'a attiré dans le magasin, c'est la parenté que j'ai ressenti avec l'auteur dans la quête qui m'a amené à venir vivre en Israël, l'essai de mise en mots d'une méditation à la fois existentielle et érudite. Egalement la dimension anthropologique, d'avant l'heure, qui tranche avec les études "religieuses" sur le sujet. Ainsi, dans toute la première partie, l'auteur s'interroge-t-il sur la transformation relativement rapide de la société égyptienne aux premiers siècles de l'ère chrétienne, alors que cette société avait jusque là conserver ses croyances malgré la colonisation grecque. Avec le Christianisme et les pères du désert, ce ne sont pas seulement les élites qui sont touchées mais les couches profondes paysannes de la population. C'est le genre de grande question massive qui me guide dans ma méditation sur le Judaïsme et son rapport au Christianisme en vivant ici, cherchant les réponses dans des données historiques, sociétales ou culturelles plus que dans des explications théologiques. Ainsi les théologiens chrétiens qui ne font quasiment que référence aux systèmes philosophiques sans prendre en compte un fait aussi massif que la Shoah dans l'appréhension contemporaine du dogme christologique. Ou le fait que le Judaïsme n'a pas développé de textualité scientifique/philosophique avant le IXème siècle de l'ère commune, pour ne citer que deux exemples. Il y a dans le livre de Jacques Lacarrière un va et vient avec les interrogations présentes tout en méditant ce phénomène étrange des hommes à l'ascétisme le plus extrème... L'auteur est connu pour d'autres livres, pour sa faconde et sa poésie.
Je ne vais pas vous ennuyer avec une analyse du livre mais plutôt relevé une anecdote. Vous savez que j'aime les pères du désert et que, intrigué par ces "deux frères habitaient une même cellule" que l'on y rencontre parfois, je me tiens à l'affut, l'oreille flotante. Voici donc l'histoire qui y est rapporté à la page 135 à propos d'une excursion que fit Makaire dans une île d'un lac dans le désert avoisinant Scété:
Il regarda et voici: il y avait deux hommes dont la chair était devenue noire et avait été rendue grossière par l'air, dont les cheveux et les ongles étaient devenus grands : leur forme était si changée que lorsque Makaire les eut vus, il fut effrayé et se dit : Ce sont des esprits ! Mais eux, lorsqu'ils le virent si effrayé qu'il était sur le point de tomber à terre, ils l'appelèrent au nom du Seigneur. Alors, Makaire s'approcha d'eux, les toucha pour voir si, quand même, ce n'étaient pas des esprits et quand il vit que c'étaient bien des hommes, les adora.
Bon, prenons note : deux hommes vivaient sur une même île... quelque part sur un lac dans le désert... la situation est pour le moins étrange comme leur apparence après de si longues années... je ne m'embarquerais pas pour lire entre les lignes le fait que Makaire est effrayé à leur vue dans un premier temps. Non, ce qui a retenu mon attention c'est le commentaire de Jacques Lacarrière et la dissonance si évidente. Je cite:
Makaire l'Ancien venait de découvrir dans cette île inconnue de tous cet homme parfait qu'il rêvait lui-même de devenir, dont il entretenait ses disciples, celui qui a su "fuir les hommes", qui a trouvé l'hésychia (la paix du coeur) et qui est devenu "semblable à une pierre".
N'entrons pas dans la spiritualité du désert qui vient à jour ici, ce qui frappe c'est que "Cet homme idéal" sont en fait "deux hommes vivaient sur une même île"... l'idéal de Makaire serait-il deux hommes ou Lacarrière est-il si aveugle à la chose, si sourd, si préoccuper par son idée qu'il ne peut imaginer deux hommes vivant sur une même île et le met directement au singulier sans s'en rendre compte... ?
Dans un prochain post, je repartirais sur un roman de la rentrée et les conférences d'un prof de Jérusalem au Collège de France en 2004, mais si mais si, vous verez, j'avance de proche en proche!
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