mercredi 6 octobre 2010

Fraise ou chocolat?

Avant hier Arte avait programmé la diffusion de Fraise et chocolat, un film cubain de Tomas Gutierrez Alea et Juan Carlos Tabio sorti en décembre 1993, ours d'argent à Berlin l'année suivante. Je n'avais pas vu le film à sa sortie, hier il était en version française malheureusement peu fascinante.
Par contre j'ai été pris par le film, même son aspect un peu désuet, ses lumières de vieilles photos jaunies.


La situation: David, un jeune étudiant qui se retrouve à l'Université alors qu'il vient d'un milieu paysan et en tient une reconnaissance qui semble infinie au régime. Idéaliste, il ne veut pas brusquer son amoureuse et se dit prêt à attendre le soir de leurs noces. Résultat, il l'a perd, elle préfère quelqu'un qui va lui permettre de quitter l'île et lui offre une sécurité financière. Alors qu'il traine dans les rues de La Havanne, il est repéré par Diego, un artiste homosexuel qui le drague ouvertement. David se rebiffe mais est attiré cependant par les possibilités culturelles que lui propose David. "Il a des livres que l'on ne trouve nulle part," confie-t-il plus tard à son compagnon de chambre. Ce dernier l'encourage à espioner cet ennemi du régime et c'est ainsi que David va retourner chez Diego et qu'une amitié va s'engager où chacun des protagonistes trouvera son compte en tout bien tout honneur. Diego fait notamment découvrir à David, les splendeurs de l'antique Havanne sous les façades menaçant ruines et l'introduit à une culture cubaine insoupçonnée par le jeune étudiant.
Une belle réflexion sur l'intolérance, l'homophobie bien sûr (Diego n'est pas sans rappeler la figure de l'écrivain Reinaldo Arenas, mort en exil quelques années plus tôt), mais aussi le rapport homo-hétéro et puis certains des travers du régime cubain, comme les dénonciations, le marché noir, etc, mais qui en laisse d'autres dans l'ombre, comme les camps de redressement. Le récit autobiographique de Reinaldo Arenas, Avant que la nuit tombe, qui a été porté à l'écran par Julian Schnabel est en ce sens plus juste. Mais le film d'Alea et Tabio tient aussi par le fait qu'il vient de Cuba, qu'il a passé la censure et qu'il fut un véritable phénomène social sur place....

Pour aller plus loin, voici un lien avec le petit dossier composé par une salle de cinéma d'Art et d'essai de Saint-Etienne.
Et sur allo-ciné la bande annonce en espanol (ne vous laissez pas arrêter par les 15 premières secondes, c'est de la pub inopinée).

1 commentaire:

Loquito a dit…

Même sous son aspect vieillot et défraichi, j'ai trouvé ce film admirable. Il fait écho au dialogue du renard et du Petit prince de St Exupéry :

"S'il te plait ... apprivoise-moi !
... Si tu veux un ami, apprivoise-moi !
-Que faut-il faire ? dit le petit prince.
-Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'oeil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus près..."

Je trouve lumineux le fait que chacun des deux hommes que tout oppose se sente irrésistiblement attiré par l'autre. Lumineux aussi, la capacité à briser leurs cadres idéologiques (flicage, dénonciation pour l'un et désirs, drague, séduction, captation pour l'autre) pour rencontrer l'amitié qui les fera finalement tomber dans les bras l'un de l'autre.
Belle leçon d'humanité et de liberté !