dimanche 6 avril 2008


Moi Pierre Seel, déporté homosexuel, voici le livre dans lequel je suis plongé depuis trois jours. Le témoignage personnel, je veux dire à la première personne, a une force que tous les livres d'histoire n'atteindront pas. On se tait d'un silence plein devant le témoignage personnel, en particulier lorsqu'il s'agit d'une telle traversée de la souffrance. Je dis bien "traversée de la souffrance", car on est loin du livre d'horreur, le ton est pudique dans ce témoignage même si le lecteur se trouve confronté à des horreurs sans nom, comme celle de la mort de son ami, Jo, sauvagement assassiné au camp de Schirmeck entre mai et novembre 1941.

Plus d'une fois on croise Bent dans ce livre, dont je me rends compte que le post préparé après avoir vu le film est toujours à l'état de brouillon. J'ai toujours du mal à lire sur la Shoah. Et pourtant ... Quelque part je sais, d'une sorte de conviction intime profonde, que je suis, que nous sommes adossés à la Shoah - Hitler nous a indiqué une porte de sortie possible et elle peut toujours revenir. Une chose que je découvre à travers ce livre et ces notes qui sont de Jean Le Bitoux, le fondateur de Gai pied et auteur de Les oublié de la mémoire, notes dont je dois dire que je ne saisis pas toujours le lien avec les propos de l'auteur, c'est l'élaboration faite de ce lien par des gens comme Le Bitoux, leur volonté de redonner la parole, des bribes de parole, à ceux qui en furent privés si longtemps, à nous finalement qui avons tant de mal à sortir de l'ombre et dont la sortie "juste", au ton juste, est toujours à reprendre.

Un ami moine, à qui je disais récemment ma conviction que si je sers un tant soit peu de passeur entre le monde chrétien et le monde juif, je le dois à mon homosexualité du fait de cette solidarité de destin qui me permet de comprendre, qui me fait parler la même langue, me confirmait que le sort de ces deux "peuples" avait souvent été de concert au cours de l'histoire. De moi-même, je crois que je n'aurais pas osé utiliser ce mot de "peuple", et pourtant s'il n'est pas cohérent, il sonne juste.

Un autre aspect, ne cesse de donner à méditer dans ce livre, c'est le fait que l'auteur soit un catholique alsacien, croyant, qui rapporte des propos ahurissants entendus en confession dans les années 1960 (Il m'arrivait de me confesser, et j'étais bien obligé d'avouer quelques plaisirs solitaires. ... En pensant à qui ? À un garçon. Alors je ne peux vous donner l'absolution. p. 135) et surtout qui a décidé de parler à cause des propos homophobes de l'évèque de Strasbourg en 1982.

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